#Mathématiques

Des solides en dés-ordre

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3.1 Indication didactique

Ann Kiefer

Les mathématiques sont souvent perçues comme une discipline abstraite, déconnectée de la réalité quotidienne des élèves en dehors du cadre scolaire. Pour contrer cette perception, une approche pédagogique de plus en plus adoptée consiste à intégrer davantage d’exemples issus du « monde réel » dans l’enseignement (Coles, 2016).

Pour ancrer les apprentissages dans une démarche concrète, nous avons choisi d’aborder les solides et les volumes à travers un projet créatif. Les élèves sont invités à concevoir leur propre dé en définissant sa forme, son nombre de faces, ainsi que les chiffres, symboles ou lettres qui y figureront. Ce processus se poursuit par la modélisation numérique du dé à l’aide du logiciel Tinkercad, suivie d’une impression 3D réalisée dans le Makerspace de l’établissement. L’apprentissage est consolidé par une présentation finale de leur création. Cette approche s’inscrit pleinement dans la pédagogie par projet (voir Section 3.3 Matériels pédagogiques M2).

Parmi les nombreuses méthodes susceptibles d’améliorer la motivation des élèves, la pédagogie par projet est souvent citée, depuis plusieurs décennies. Elle est devenue une pratique quotidienne dans l’enseignement professionnel et dans l’enseignement supérieur (Reverdy, 2013).

Au cours de ce projet, les élèves construisent leur dé en mobilisant leurs connaissances et compétences existantes. Cette démarche leur permet de construire leurs savoirs à travers un processus d’essai-erreur constructif. La nature interdisciplinaire du projet les oblige à intégrer des connaissances issues de différents domaines, favorisant ainsi le développement de compétences essentielles telles que la problématisation, la recherche d’information, la documentation, le contrôle, l’esprit critique, l’organisation et la planification.

Cette approche pédagogique présente l’avantage significatif de rendre les élèves autonomes, les positionnant comme véritables acteurs et auteurs de leur création. En s’investissant dans ce projet, ils prennent en charge la planification des étapes de réalisation et s’assurent de mener leur travail à terme (Reverdy, 2013).
Le rôle de l’enseignant change dans un tel contexte, car il passe d’enseignant à animateur et motivateur. Il n’aide pas directement les élèves mais, s’assure qu’ils sont sur le bon chemin et que leur projet avance.

Une des critiques communes de l’apprentissage par projet est que le projet prenne trop de temps. Tout d’abord, dans ce module nous nous sommes arrangés que le projet couvre exactement les éléments du programme de mathématiques officiel en ce qui concerne les solides et volumes. La présentation finale du dé par les élèves les oblige à se confronter aux contenus, aux savoirs et aux compétences concernant les solides et volumes du programme. Comme la pédagogie par projet ne fait pas de miracles non plus, nous avons inclus des mini-leçons (section 3.3. Matériels pédagogiques M3) concernant ces différents contenus. Ces mini-leçons expliquent les contenus et demandent aux élèves d’effectuer des exercices pour contrôler et vérifier leur compréhension. Ainsi, chaque élève peut avancer en autonomie et à son rythme : si un élève sait comment calculer le volume de son dé, il n’a pas besoin de faire la mini-leçon et peut se pencher sur son calcul immédiatement. La recherche montre cependant que l’apprentissage par la découverte n’est efficace que lorsque les apprenants reçoivent un feedback en temps utile et que des exemples de solutions détaillées sont proposés (Alfieri et al., 2011). C’est pourquoi nous proposons des solutions détaillées à tous les exercices (section 3.7 Solutions). De cette manière, les élèves peuvent les consulter en autonomie et autocontrôler leur apprentissage. Ces mini-leçons assurent aussi que les savoirs nécessaires à la réalisation du projet ne dépassent pas les savoirs de l’élève, une deuxième critique de la pédagogie par projet que nous rencontrons souvent.

Mais la pédagogie par projet présente aussi beaucoup d’avantages (Reverdy, 2013). Dans l’apprentissage par projet, les élèves et les étudiants apprennent en étant actifs et en gardant un lien avec le monde réel, ce qui leur permet de nourrir la communication, la coopération, la créativité et la réflexion en profondeur. L’attention aux processus d’apprentissage, et pas seulement au contenu, est bénéfique (Reverdy, 2013).

Le chercheur en éducation Robert DeHaan souligne l’importance de la promotion de la pensée créative dans l’enseignement des sciences naturelles (DeHaan, 2009). Selon DeHaan, l’enseignement des sciences naturelles est encore souvent loin de promouvoir durablement ce savoir transférable. L’enseignement est fortement marqué par les faits et les recettes, ce qui laisse peu de connaissances aux apprenants et génère de l’ennui. Des études ont en outre montré que la pratique d’autres activités favorisant la créativité augmentait nettement le succès de l’apprentissage dans l’enseignement des sciences naturelles.

La recherche sur la pédagogie par projet recommande également la coopération entre enseignants de différentes disciplines. C’est ce que nous suggérons dans la cinquième phase du projet où les élèves doivent inventer leur propre jeu qui utilise le dé créé lors des phases précédentes. Nous recommandons de faire cette partie du projet avec l’enseignant du cours du français ou de Digital Sciences (voir Section 3.4 Idées interdisciplinaires pour plus de détail).

Nous proposons de débuter la leçon par des jeux de dés organisés en stations d’apprentissage. Les élèves explorent six stations différentes en groupes, à leur propre rythme, sans obligation de toutes les parcourir durant les deux premières séances.

Une étude récente (Abdelmalak, 2024) démontre l’efficacité de ce modèle pour développer les capacités d’analyse, de génération et d’évaluation des élèves. Ces améliorations cognitives résultent probablement de plusieurs facteurs combinés : l’engagement dans des tâches stimulantes, la collaboration entre pairs, l’alternance entre apprentissage individuel et collectif, l’accompagnement pédagogique et l’environnement d’apprentissage favorable. Comme le soulignent plusieurs chercheurs, les activités intellectuellement stimulantes contribuent significativement au développement des compétences mathématiques fondamentales (Abdelmalak, 2024).

À chaque station, les élèves documentent leur expérience et répondent par écrit à des questions réflexives. Dionne Cross (2009) met en évidence que « l’écriture est une stratégie puissante pour encourager l’apprentissage », offrant des bénéfices supérieurs à la simple argumentation orale. Cette efficacité s’explique par l’activation métacognitive : en formulant leurs pensées par écrit, les élèves diagnostiquent le problème, planifient leur démarche et questionnent constamment leur raisonnement.

Ces jeux constituent également une initiation aux probabilités, domaine dont les défis pédagogiques sont bien établis. L’utilisation de dés représente une approche accessible pour introduire le concept d’équiprobabilité. Comme le note Capaldi (2021), l’apprentissage par découverte à travers divers jeux stimule la motivation et développe le raisonnement analytique, palliant ainsi la difficulté des enseignants à créer des problèmes engageants qui illustrent concrètement les applications mathématiques. Les questions proposées après chaque jeu privilégient le développement de l’intuition plutôt que la maîtrise formelle de la théorie des probabilités.

À la fin du module, les élèves auront développé une intuition des probabilités tout en assimilant les notions essentielles sur les solides et les volumes par l’intermédiaire de jeux et par la conception de leur propre dé.

Références

1. Abdelmalak, M. M. M. 2024. Promoting selected core thinking skills using math stations rotation. Research in Mathematics Education, 1–22. https://doi.org/10.1080/14794802.2024.2344209
2. Alfieri, L., Brooks, P. J., Aldrich, N. J. & Tenenbaum, H. R. 2011. Does Discovery-Based Instruction Enhance Learning? Journal of Educational Psychology, 103 (1), 1-18. doi: 10.1037/a0021017.
3. Capaldi, Mindy. 2021. Teaching Mathematics Through Games. 1st ed. Providence: American Mathematical Society.
4. Coles, Alf. 2016. Engaging in Mathematics in the Classroom : Symbols and Experiences. London ; Routledge.
5. Cross, D. I. 2009. Creating Optimal Mathematics Learning Environments: Combining argumentation and Writing to Enhance Achievement. International Journal of Science and Mathematics Education 7: 905-930.
6. DeHaan R. L. 2009. Teaching creativity and inventive problem solving in science. CBE Life Sci Educ. Fall;8(3):172-81. doi: 10.1187/cbe.08-12-0081.
7. Reverdy, C. 2013. Des projets pour mieux apprendre ? Dossier d’actualité veille et analyses n° 82 Février 2013. https://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/82-fevrier-2013.pdf?v=1361180601

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