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Des solides en dés-ordre

3#Des solides en dés-ordre

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PITT

3.5 Pour aller plus loin

01
Alea jacta est

Le dé incarne le hasard, la chance et l’irrévocabilité des décisions prises. Son origine précise demeure énigmatique, plusieurs civilisations anciennes – indienne, égyptienne, romaine et grecque – s’attribuant son invention. Les ancêtres du dé, constitués de noyaux de fruits, de dents ou de pierres, apparaissent vers 6000 avant notre ère et ne présentaient généralement que deux faces (MacDonald, 2018).

Parmi les précurseurs notables figurent les « astragales », osselets prélevés dans les chevilles d’animaux comme les ovins ou les caprins. Ces objets à six faces servaient aux jeux d’adresse et de hasard dans les mondes grec et romain antiques. Le jeu Omilla, particulièrement populaire, consistait à lancer ces astragales dans un cercle pour en expulser les figurines des adversaires – une pratique qui perdure aujourd’hui sous la forme du jeu de billes pratiqué par les enfants dans les cours de récréation (Hennewig, 2022).

Source: https://www.deutsche-digitale-bibliothek.de/content/blog/die-wuerfel-sind-gefallen-geschichte-und-geschichten-eines-spielgeraets-und-symbols/

Utilisés comme dés, les astragales présentaient une particularité : malgré leurs six côtés similaires aux dés modernes, leurs probabilités n’étaient pas équivalentes. Deux faces, de par leur configuration, ne pouvaient servir de surface d’appui, tandis que les quatre autres, toutes différentes, offraient des probabilités variables d’apparition lors d’un lancer.

Jusqu’à la Renaissance, l’équiprobabilité des résultats n’était pas considérée comme importante. Les concepts de hasard et de probabilité n’existaient pas encore, et l’on attribuait à une puissance divine le choix de la face visible après un lancer.

Ce paradigme changea avec l’avènement de penseurs comme Galilée et Blaise Pascal qui, en partie grâce à l’étude des jeux et des dés, développèrent les théories du hasard et des probabilités. Ces notions s’ancrèrent rapidement dans la conscience collective, transformant notre perception du dé : aujourd’hui, nous l’associons simplement à la chance ou malchance, et utilisons naturellement des solides réguliers garantissant une distribution équitable des résultats (Wissenschaft, 2018).

02
Les cinq solides de Platon

Le dé à six faces commun avec lequel nous jouons régulièrement est, mathématiquement, un cube. Un cube est un polyèdre, c’est-à-dire une forme géométrique à trois dimensions (un solide géométrique) ayant des faces planes polygonales qui se rencontrent selon des segments de droite qu’on appelle arêtes, régulier et convexe. Un polyèdre est dit régulier s’il est constitué de faces toutes identiques et régulières et si tous ses sommets sont identiques. La convexité est un terme mathématique qui, entre autres, exclut la présence de trous. Une partie C de l’espace (ou du plan) est convexe si elle satisfait la propriété suivante : pour toute paire de points p et q situés sur C, le segment joignant p à q est entièrement contenu dans C. Par exemple, une boule est convexe, mais une bague ne l’est pas (Cantat, 2022).

Source: https://images-archive.math.cnrs.fr/La-Gomboc.html?lang=fr

Un polyèdre régulier et convexe est appelé en mathématiques solide de Platon. En plus du cube, il y a exactement 4 autres solides de Platon : le tétraèdre, l’octaèdre, le dodécaèdre et l’icosaèdre.

Dans la vidéo suivante, Axel Rogue, professeur de mathématiques et d’informatique en classe préparatoire PTSI au lycée Loritz de Nancy, explique pourquoi il y a seulement exactement cinq solides de Platon :

03
La Gömböc

Certains objets ne possèdent qu’une seule position d’équilibre stable, le plus emblématique étant le « culbuto ». Ce jouet de forme ovoïde, lesté au niveau inférieur, est connu dans sa version commerciale sous le nom de bidibule, désormais quelque peu démodé.

Si l’on place un culbuto sur sa tête en position parfaitement verticale, il se trouve en équilibre théorique : sans perturbation extérieure, il pourrait maintenir cette position indéfiniment. Cette position est cependant instable – en pratique, la moindre perturbation le fera basculer pour retrouver sa position stable, pieds au sol. Le culbuto présente donc exactement deux positions d’équilibre : l’une stable, l’autre instable.

Ce comportement caractéristique est obtenu grâce à une bille de plomb insérée dans la partie inférieure du jouet, positionnant le centre de gravité dans le bas du corps. Le corps du culbuto n’est donc pas homogène : sa densité interne varie selon les zones pour favoriser une unique position d’équilibre stable.
En 1995, le mathématicien russe Vladimir Igorevich Arnold a posé la question suivante.

Question d’Arnold. Existe-t-il un corps convexe homogène avec seulement deux positions d’équilibre, l’une stable, l’autre instable ?

La question demande : peut-on créer un solide semblable au bidibule mais composé d’un matériau parfaitement homogène ? En 2006, deux chercheurs hongrois ont réussi ce qui semblait impossible, apportant une réponse affirmative à cette question formulée par Arnold. Gábor Domokos et Péter Várkonyi, mathématiciens de Budapest, ont conçu un culbuto entièrement homogène qu’ils ont baptisé « la gömböc ». Dans la vidéo suivante, Domokos relate le parcours complexe ayant mené à cette invention remarquable.

Chandler Davis, rédacteur en chef du The Mathematical Intelligencer, a dit la chose suivante à propos de la découverte de la gömböc :

A shape whose impossibility might have been an elegant theorem, but whose existence may be much more elegant.

La Gömböc est un solide en dimension 3. Les mathématiciens se sont bien sûr posé la question si un tel corps existe aussi en dimension 2. La réponse est négative.

Théorème. Il n’existe pas de gömböc planaire. Une partie convexe du plan ne peut avoir exactement deux positions d’équilibre, une stable et une instable : elle en possède toujours plus !

Pour une preuve du théorème, nous référons le lecteur à l’article (Cantat, 2022).

04
Les polyèdres dans la recherche d’aujourd’hui

Les polyèdres font partie des branches des mathématiques appelée géométrie discrète. un domaine mathématique qui étudie les objets géométriques „discrets“ – c’est-à-dire ceux pouvant être caractérisés par un nombre fini de paramètres.

Bien que cette branche soit relativement peu développée dans les départements de mathématiques classiques à travers le monde, elle occupe une place prépondérante dans les départements d’informatique (ou computer science). Cette différence d’intérêt s’explique par le double attrait qu’elle présente pour les informaticiens : ces objets sont fascinants en eux-mêmes mais offrent également de nombreuses applications pratiques dans le domaine informatique.

Une idée reçue veut que la géométrie discrète soit un domaine sans questions non résolues. Cette perception découle de deux facteurs principaux : d’une part, certains objets fondamentaux comme les polyèdres, et particulièrement les solides de Platon, font l’objet d’études depuis l’époque des mathématiques grecques antiques, suggérant un champ entièrement exploré ; d’autre part, les problématiques contemporaines de géométrie semblent souvent excessivement techniques et inaccessibles aux non-spécialistes.
Pourtant, contrairement à cette impression répandue, il subsiste en géométrie discrète des problèmes ouverts remarquablement simples à formuler, compréhensibles même sans formation mathématique avancée, mais dont la résolution continue de défier les chercheurs. En voici deux de ses problèmes ouverts.

Le dépliage d’un polyèdre

Dans ce module, nous avons vu que les solides possèdent des patrons, qu’on découpe, qu’on plie le long des arêtes et puis qu’on recolle pour obtenir le polyèdre du début. Ceci conduit à une question bien naturelle :

Étant donné un polyèdre, peut-il toujours être obtenu de cette manière ?

En termes un peu plus précis, est-il toujours possible de découper un polyèdre (convexe) le long de certaines arêtes, pour obtenir un domaine connexe dépliable sur le plan (sans auto-intersection) ? Et bien, on ne le sait toujours pas (Schlenker, 2009).

La subdivision du cube

Est-il possible de découper un cube en tétraèdres dont tous les angles sont aigus, c’est-à-dire strictement inférieurs à 90 degrés ? En dimension 2, la réponse est positive : on peut découper un carré en triangles aigus. C’est un exercice qu’on laisse au lecteur (attention ce n’est pas si facile !) En dimension trois, et bien, on ne sait pas (Schlenker, 2009) !

Références

1. Cantat, S. 2022. La Gömböc. Images des Mathématiques. https://images-archive.math.cnrs.fr/La-Gomboc.html?lang=fr
2. MacDonal, J. 2018. The Ancient Origins of Dice. JSTOR Daily. https://daily.jstor.org/the-ancient-origins-of-dice/
3. Schlenker, J-M. 2009. Quelques problèmes ouverts de géométrie élémentaire. Images des Mathématiques. https://images.math.cnrs.fr/billets/10766/
4. Wissenschaft. 2018. Wie Würfel-Würfe wirklich zufällig wurden. https://www.wissenschaft.de/geschichte-archaeologie/wie-wuerfel-wuerfe-wirklich-zufaellig-wurden/
5. Hennewig, L. 2022. „Die Würfel sind gefallen.“ Geschichte und Geschichten eines Spielgeräts und Symbols. Deutsche Digitale Bibliothek. https://www.deutsche-digitale-bibliothek.de/content/blog/die-wuerfel-sind-gefallen-geschichte-und-geschichten-eines-spielgeraets-und-symbols/

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